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* M A i N A * dessins & images *
27 juin 2009

J'ai voyagé

  "Je n’écris pas pour faire plaisir. Moins encore pour flatter. J’écris pour tenter de dire en quelques mots ce que j’ai ressenti à mon passage parmi ces œuvres. Hier. Sur place j’ai été ému. Hors cadre, ce matin, les émotions imprimées n’ont pas disparu.

    Demeurent les couleurs. Les spirales. Les visages en ogives. Les visages déformés par l’esprit qui les anime. Les formes. Les courbes qui ne se referment pas pour laisser la place à un espace qui permet le dés-enfermement. De manière juste.

Je suis très très myope. Je vois très bien de très près et après trois centimètres je vois trouble tout. Des tableaux sont à la déformation de mes yeux. Ils me donnent de voir des (mes ?) profondeurs intimes de près. Lorsque je m’en éloigne je suis troublé. Et ils deviennent immensément troubles avant de disparaître. Demeure alors simplement leur inscription dans ce que je suis.

   Ceux qui m’ont marqué l’ont fait par leur puissance ramassée, concentrée, écrasée. Sur quelques centimètres. Beaucoup m’ont donné l’impression d’être des intérieurs de ventres. Ils auraient pu être la source d’une sensation d’étouffement. Pire. De nombrilisme. Ce n’a pas été le cas. Cette sensation est désamorcée par une ouverture toujours présente, dans un espace que tu laisses libre et qui permet d’entrer et de sortir, de voyager.

   Rondes. Farandoles. Spirales. Couleurs. Ventres. Visages. Enfants. Les tableaux qui reviennent à mes yeux sont remplis, sans qu’ils soient saturés. La musique est harmonieuse.

    Pas la même musique. J’ai vu tout en haut à gauche la froideur triste et vide du monde grossier de l’unification mortelle, grise et manichéenne, sans couleur, qui refuse la vive et colorée unité des différences.

  Monde et ronde. Une consonne de différence. Pour une terre ronde, remplie de différences qui l’harmonisent et l’unifient quand les cultures, les individus, les esprits, les corps et les âmes peuvent s’exprimer dans l’intimité de leur Histoire propre.

  Les couleurs et les formes sont très profondément ancrées dans l’humain.

  Dans la femme. Dans l’homme. On peut toucher de l’œil leur humanité. Là on va plus loin que le simple humain dans son histoire sur cette terre.

  Au plus bas de l’humanité, de l’humilité, de l’humour, il y a le ciel qui relie les femmes et les hommes de ce monde.

   Avec ma myopie j’ai vu des habits de cérémonies pour des fêtes dédiées à la Terre en pays Inca. J’ai vu les couleurs vives des tableaux haïtiens. J’ai vu des enfants et des mères sans fusion. J’ai vu des cheveux en pluie. J’ai vu les couleurs de bateaux aperçus au Portugal. J’ai vu des tableaux éthiopiens admirés en août dernier dans l’église des Ethiopiens, à Jérusalem.

   Je ne sais pas m’exprimer dans le langage des artistes. Je ne le connais pas. Je ne suis pas du sérail. Je me permets alors dans ce territoire étranger de mettre hors de moi ces mots. Tout ce qui n’est pas donné pourrit ; comme je n’ai pas d’argent à te donner je te donne au moins ces mots."

Alain Le Doaré, juin 2009

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